Mise en place, renouvellement, élections partielles
Référent harcèlement du CSE : obligations, missions et mise en place en entreprise
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Sommaire de l'article
Depuis 2019, les entreprises sont légalement tenues de désigner un référent harcèlement sexuel dans certaines configurations. Mais au-delà de l'obligation, la désignation d’un référent bien formé et clairement positionné est devenue une attente forte dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, de la Qualité de Vie au Travail (QVT) et de la stratégie RSE.
Le sujet est sensible, juridiquement encadré, et exposé médiatiquement. Pour les DRH, les responsables QHSE ou les dirigeants de PME/ETI, il ne s’agit pas seulement de “cocher la case” : encore faut-il savoir qui désigner, comment cadrer la mission, quelle formation prévoir, et comment sécuriser juridiquement l’ensemble du dispositif. Un référent mal préparé peut devenir source de confusion, de malentendus, voire de risques accrus pour l’entreprise.
Ce guide pratique et à jour en 2025 vous apporte une synthèse claire : obligations légales, responsabilités, bonnes pratiques de désignation et de communication, risques à éviter, et modèles concrets.
Résumé de l'article :
- Le référent harcèlement est obligatoire dans toute entreprise dotée d’un CSE et, à partir de 250 salariés, pour l’employeur.
- Son rôle est préventif, informatif et d’orientation : il n’a pas de pouvoir disciplinaire.
- La désignation doit être formalisée, tracée et portée à la connaissance de tous les salariés.
- La formation, bien que non explicitement obligatoire, est indispensable pour sécuriser l’entreprise et rendre la fonction effective.
- Une fiche de mission et un protocole interne de traitement des signalements sont fortement recommandés.
- Le référent agit en coordination avec les RH, la médecine du travail et les instances représentatives, et s’intègre dans une stratégie QVCT globale.
- Pour en faire un réel levier de prévention, il faut lui donner du sens, du soutien, des moyens… et éviter la désignation symbolique.
Vos obligations légales en matière de référent harcèlement
Quelles entreprises sont concernées ?
La désignation d’un référent harcèlement sexuel est obligatoire dans deux cas précis :
Dans toutes les entreprises dotées d’un CSE, quel que soit l’effectif : un référent doit être désigné par le CSE lui-même parmi ses membres (article L.2314-1 du Code du travail).
Dans les entreprises de plus de 250 salariés, l’employeur a l’obligation de désigner un référent harcèlement sexuel parmi ses effectifs, distinct de celui du CSE (article L.1153-5-1 du Code du travail).
💡 À noter : Ces obligations concernent exclusivement la prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes, pas des violences morales ou du harcèlement moral en général, même si le référent peut aussi recevoir des alertes élargies dans les faits.
Quand devez-vous procéder à la désignation ?
Le référent du CSE doit être désigné dès la première réunion suivant les élections professionnelles. Le référent employeur doit être désigné dès que l’entreprise atteint ou dépasse les 250 salariés. En pratique, il est recommandé de désigner les référents au moment de l'installation du nouveau CSE pour assurer une communication claire et éviter tout flottement juridique.
Quelles différences entre les deux référents ?
Référent CSE | Référent employeur |
Membre élu du CSE | Salarié désigné par l’entreprise |
Obligatoire dans toute entreprise avec CSE | Obligatoire à partir de 250 salariés |
Mandat lié à celui du CSE | Durée librement fixée (souvent 3 à 4 ans) |
Peut participer à la prévention des RPS en lien avec les élus | Peut avoir un rôle plus opérationnel dans le traitement des signalements |
Les deux référents n'ont pas de pouvoir disciplinaire, ni d'obligation de traitement des signalements eux-mêmes. Leur rôle est préventif, informatif et d’orientation.
Quels risques en cas d’absence ou de désignation fictive ?
L'absence de désignation d’un référent harcèlement du CSE est constitutive d’un manquement à une obligation légale, notamment dans le cadre des obligations générales de prévention des risques professionnels (article L.4121-1 du Code du travail).
Risques encourus :
- Constat de manquement par l’inspection du travail ou la CARSAT lors d’un contrôle.
- Mise en cause de l’entreprise en cas de harcèlement avéré et d'absence de prévention.
- Amendes administratives, voire dommages et intérêts devant les prud’hommes en cas de litige.
⛔ Désigner un référent sans lui attribuer de mission réelle ni prévoir de formation est également un risque : c’est considéré comme une désignation fictive.
À quoi sert réellement un référent harcèlement ?
Une mission de prévention, d’orientation et de sensibilisation
Le référent harcèlement ne se substitue ni au management, ni aux RH, ni aux instances juridiques. Il exerce une fonction de première écoute, de veille et de relais. Il est là pour :
- Informer les salariés sur leurs droits en matière de harcèlement sexuel et agissements sexistes.
- Être un point de contact identifié, neutre et de confiance.
- Orienter les personnes concernées vers les bons interlocuteurs (RH, médecine du travail, inspection du travail…).
- Participer à la prévention en relayant les signaux faibles ou récurrents.
Il ne mène pas d’enquête et ne tranche pas les situations. Son rôle est celui d’un tiers de confiance, souvent en binôme avec d'autres acteurs (RH, élus CSE, service QVCT…).
Que peut-il faire (et ne pas faire) en cas de signalement ?
Le référent peut… |
Le référent ne peut pas… |
Accueillir et écouter une personne concernée |
Sanctionner ou diligenter une enquête disciplinaire |
Expliquer les procédures internes (alerte, enquête, médecine du travail) |
Se substituer aux RH ou à la direction |
Alerter le responsable RH ou la direction (avec accord de la personne) |
Transmettre des signalements de manière informelle ou sans preuve |
Participer à l’élaboration de campagnes de prévention |
Intervenir comme médiateur ou psychologue |
👂 Il doit rester à sa place : son efficacité repose sur la confiance, la clarté de son rôle et son indépendance partielle.
Articulation avec les autres acteurs internes
Le référent agit en coordination, jamais en isolation. Il peut travailler en lien avec :
- Le responsable RH (pour formaliser un signalement, organiser une enquête, adapter les procédures)
- Le médecin du travail (pour orienter une victime)
- Le responsable QVCT ou référent RPS (dans le cadre d’une démarche globale)
- Les élus du CSE (pour mettre à l’ordre du jour des situations préoccupantes)
📌 Dans les structures plus matures, le référent harcèlement peut participer à des groupes de travail internes sur la qualité de vie au travail ou les violences au travail.
Comment bien désigner un référent dans votre organisation
Qui désigner ? Salarié volontaire, élu CSE ou profil externe ?
La désignation d’un référent harcèlement ne doit pas être improvisée. Il ne s’agit pas seulement de nommer une personne « disponible », mais bien d’identifier un profil :
- Capable d’écouter avec neutralité et bienveillance
- Fiable dans la confidentialité des échanges
- Suffisamment légitime pour orienter et alerter au besoin
- Formé ou prêt à être formé au cadre légal et aux postures d’écoute
Options fréquentes :
- Dans les PME : un membre du CSE ou un salarié sensibilisé aux questions RH ou RPS.
- Dans les grandes structures : un membre du service RH ou QVCT, une personne dédiée (prévention, diversité, inclusion).
- Certaines entreprises choisissent un profil externe (consultant, psychologue du travail, médiateur), notamment pour éviter les conflits d’intérêts ou renforcer la neutralité perçue.
💡 Bonne pratique : privilégier les personnes ayant déjà une culture du dialogue, de la médiation ou une appétence pour les sujets sensibles. Évitez les profils hiérarchiquement impliqués dans la gestion disciplinaire directe.
Comment formaliser la désignation du référent ?
Pour le référent du CSE :
- Désignation à la majorité des membres présents lors d’une réunion plénière.
- Inscription au procès-verbal de séance.
- Mention dans le registre des délibérations du CSE.
- Communication dans l’entreprise via l’intranet, le panneau d’affichage, le livret d’accueil ou la BDESE.
Pour le référent employeur (250+ salariés) :
- Lettre de mission signée par la direction (avec description claire du rôle).
- Inscription dans la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales).
- Diffusion d’une note interne informant les salariés (objectifs, moyens, contact).
📌 La désignation doit être visible, traçable et connue des salariés — sans quoi elle ne produit aucun effet préventif.
Quelle durée et quel renouvellement prévoir ?
Il n’existe pas de durée légale imposée. En pratique :
- Pour le référent CSE, le mandat est aligné sur celui des élus (4 ans).
- Pour le référent employeur, une durée de 2 à 4 ans est courante, avec renouvellement possible.
L’important est de prévoir :
- Une transmission claire lors d’un changement de référent.
- Une actualisation régulière de la formation et des documents associés.
Comment annoncer la désignation en interne ?
Le succès du dispositif dépend aussi de sa lisibilité en interne. Informer les équipes permet de :
- Rendre le dispositif accessible,
- Rassurer les salarié·es sur l’existence d’un interlocuteur identifié,
- Prévenir les situations de confusion.
Supports à utiliser :
- Affichage obligatoire (avec coordonnées claires du référent),
- Note RH ou email à tous les salariés,
- Intégration dans les supports d’onboarding (livret d’accueil, formation sécurité…),
- Communication régulière en lien avec la QVCT ou la semaine de la prévention.
Formation du référent harcèlement : un investissement indispensable
La formation est-elle obligatoire ?
La loi ne précise pas explicitement que la formation est obligatoire, mais :
- Le Code du travail impose que le référent ait les compétences nécessaires à l’exercice de sa mission.
- En cas de litige, l'absence de formation sera systématiquement un point de fragilité pour l'employeur.
En clair : la formation est indispensable, et elle doit être documentée.
Que doit contenir une bonne formation ?
Une formation utile doit aborder à minima :
Bloc de contenu |
Objectifs pédagogiques |
Cadre légal |
Connaître les définitions, obligations, risques, et procédures encadrées par le Code du travail |
Repérage |
Identifier les signaux faibles et les situations à risque |
Posture d’écoute |
Accueillir la parole sans juger, savoir orienter |
Procédures internes |
Connaître les canaux de signalement, les rôles RH, médecine du travail, inspection |
Cas pratiques |
Se préparer à gérer des situations sensibles avec recul et rigueur |
💡 Astuce DRH : veillez à ce que la formation distingue bien les rôles du référent, du manager et du service RH, pour éviter les glissements de responsabilité.
Comment financer la formation du référent ?
Plusieurs options possibles :
- Plan de développement des compétences
- Mobilisation de votre OPCO, via les fonds de formation continue
- Mutualisation entre plusieurs entreprises, avec un cabinet externe
- Dans le cas du référent CSE, la formation peut être financée sur le budget de fonctionnement du CSE
⏱ Durée recommandée : 1 à 2 jours, en présentiel ou à distance.
Comment évaluer l’impact de la formation ?
Une fois la formation réalisée :
- Demandez une attestation de suivi ou un certificat à l’organisme formateur.
- Réalisez un point de suivi annuel avec le référent : a-t-il été sollicité ? S’est-il senti préparé ?
- Mettez à jour les supports internes (fiche de mission, protocole de signalement) si nécessaire.
🧩 Dans certaines entreprises, les référents participent à un groupe de pairs ou à une communauté de pratique (interne ou inter-entreprises), pour partager des retours d’expérience sous couvert de confidentialité.
Comment cadrer et encadrer le rôle de référent harcèlement au quotidien
Formaliser une fiche de mission : indispensable
Pour éviter toute dérive, confusion ou désengagement, il est essentiel de définir les contours du rôle par écrit. Une fiche de mission claire permettra :
- D’encadrer les responsabilités,
- De sécuriser l’entreprise en cas de contentieux,
- De donner au référent un cadre d’action serein et reconnu.
Une bonne fiche de mission inclut :
- Le cadre juridique de la mission (articles de loi),
- Le périmètre exact d’intervention (harcèlement sexuel et agissements sexistes),
- Les actions possibles : information, orientation, participation à la prévention,
- Les actions exclues : enquête interne, décision disciplinaire,
- Les interlocuteurs internes (RH, CSE, médecine du travail),
- La durée du mandat et les moyens mis à disposition.
Protocole interne de signalement : un levier de sécurité juridique
Au-delà de la fiche de mission, formaliser un protocole de traitement des alertes est une excellente pratique, voire indispensable en cas de contentieux.
Il doit préciser :
- Comment un salarié peut alerter (mail dédié, formulaire, contact direct…),
- À qui transmettre les signalements (référent, RH, tiers externe…),
- Les délais et étapes de traitement (reçu, analyse, retour),
- La confidentialité garantie à toutes les étapes,
- La protection contre les représailles.
🎯 Ce protocole peut être intégré au règlement intérieur, au DUERP, ou diffusé comme note de service.
Quels moyens concrets pour bien exercer sa mission ?
Le référent a besoin de ressources, même limitées :
Moyens à prévoir |
Objectifs |
Temps dédié (plage horaire ou quotité estimative) |
Permettre d’assumer la mission sans surcharge |
Formation continue |
Maintenir la vigilance et la compétence |
Accès à des outils |
Fiches pratiques, trames de réponse, suivi des alertes |
Soutien d’un binôme RH |
Éviter l’isolement et partager les situations complexes |
Point de suivi annuel |
Revoir les sollicitations reçues et les difficultés éventuelles |
💡 Conseil de terrain : éviter que la fonction soit confiée à un salarié sans temps ni autorité suffisants. Mieux vaut peu d’alertes bien traitées qu’un dispositif fantôme.
Comment préserver neutralité, confidentialité et crédibilité ?
Le référent doit inspirer confiance, à la fois chez les collaborateurs, les représentants du personnel et la direction.
Voici quelques principes fondamentaux :
- Neutralité : éviter de nommer un membre de la hiérarchie directe, ou impliqué dans les litiges.
- Confidentialité : tout signalement doit être traité dans un cadre strictement confidentiel.
- Traçabilité : si des faits sont transmis à la direction, cela doit être fait de manière formelle, documentée, et avec l’accord explicite de la personne concernée.
🔐 La mise en place d’un mail spécifique ou d’un coffre-fort numérique pour les signalements est une bonne pratique de plus en plus fréquente.
Intégrer la fonction dans une stratégie QVCT ou RSE plus globale
Le référent harcèlement, un marqueur fort de maturité sociale
Bien désigné et bien accompagné, le référent harcèlement peut devenir un acteur-clé de la culture de prévention. Il incarne :
- L'engagement de la direction sur les sujets sensibles,
- Une politique RH éthique et sécurisante,
- Une réponse aux exigences croissantes en matière de qualité de vie au travail (QVCT) et de RSE.
🔍 Des enquêtes internes ou baromètres QVT peuvent intégrer des items pour mesurer la notoriété et l’impact de cette fonction.
Articulation avec les autres démarches existantes
Le rôle du référent s’insère naturellement dans plusieurs démarches :
Dispositif |
Lien avec le référent |
DUERP (Document unique) |
Signalement de situations de risque, contribution à l’évaluation des RPS |
Repérage des zones de tension, remontée de signaux faibles |
|
Démarches QVCT |
Animation de sensibilisations, participation à des groupes de travail |
Politique diversité / inclusion |
Veille sur les situations discriminantes à caractère sexuel ou sexiste |
Code de conduite / Règlement intérieur |
Cohérence des canaux de signalement et des sanctions prévues |
Valoriser la fonction sans l’instrumentaliser
Le référent harcèlement ne remplace pas une politique de prévention structurée. Il n’est pas non plus une “solution miracle”.
Bonnes pratiques :
- Valoriser le rôle en interne sans sur-promettre,
- Offrir un espace de parole sécurisé,
- L’inclure dans les actions collectives de prévention (ateliers, journées à thème, etc.),
- Prévoir un bilan annuel d’activité, même simplifié, pour faire évoluer le dispositif.
Ressources
- Modèle de lettre - Signalement de harcèlement sexuel
- Dossier INRS
- CNIL : référentiel relatif aux dispositifs d'alerte profesionnelle